Le Port Autonome de Lomé (PAL), véritable poumon économique du Togo, est en pleine effervescence. Sous un soleil éclatant, les grues s’activent, les conteneurs s’empilent et les camions sillonnent les quais dans un ballet bien orchestré. Mais au-delà de cette agitation visible, une révolution silencieuse est en cours : la dématérialisation des procédures douanières. Une réforme majeure portée par l’Office Togolais des Recettes (OTR) et qui transforme le quotidien des transitaires, exportateurs et autres acteurs du port.
Une transformation numérique au cœur du Port Autonome de Lomé
Cela fait maintenant cinq ans que le Port Autonome de Lomé (PAL) a entamé sa mue digitale avec la dématérialisation des procédures douanières. Une réforme ambitieuse portée par l’Office Togolais des Recettes (OTR) et qui a transformé en profondeur le paysage portuaire togolais. Aujourd’hui, les résultats sont tangibles : augmentation des recettes, réduction de la corruption, gain de temps pour les opérateurs économiques et amélioration du climat des affaires. Retour sur une success story qui fait du PAL un modèle en Afrique de l’Ouest.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Grâce à la dématérialisation, les recettes douanières ont connu une croissance remarquable. En 2022, le PAL a enregistré une hausse de 15 % de ses recettes par rapport à l’année précédente. Cette performance s’explique par la réduction des fuites de revenus, la lutte contre la fraude et l’optimisation des procédures. Les opérateurs économiques, comme M. Koffi Adjo, transitaire agréé, en témoignent : « Avant, il y avait beaucoup de pertes dues à des pratiques opaques. Aujourd’hui, tout est transparent et les recettes de l’État en bénéficient directement. »
La dématérialisation a limité les contacts directs entre les agents des douanes et les opérateurs économiques, réduisant ainsi les opportunités de corruption. « Avant, il y avait beaucoup d’intermédiaires et de pratiques opaques. Aujourd’hui, tout est transparent et traçable », explique M. Koffi Adjo. Cette transparence a permis de restaurer la confiance des opérateurs économiques et de renforcer l’intégrité des agents publics.
Les délais de traitement des dossiers ont été considérablement réduits. Par exemple, l’obtention d’un certificat d’origine, qui prenait autrefois 48 heures, se fait maintenant en moins de 5 heures. « Cela nous permet d’être plus compétitifs sur le marché international », se réjouit Mme Akouvi Dossou, exportatrice de voitures. La dématérialisation a également simplifié les procédures de dédouanement, permettant aux transitaires de gagner un temps précieux.
Le Togo a grimpé dans le classement Doing Business de la Banque mondiale, passant de la 156e place en 2017 à la 97e place en 2020. Cette progression est en grande partie due aux réformes engagées au PAL, qui ont renforcé la confiance des investisseurs étrangers. « Le Port Autonome de Lomé est devenu un modèle en matière de facilitation des échanges », souligne M. Aladji, importateur de produits alimentaires.
Des réformes clés pour booster la compétitivité
Grâce à une plateforme en ligne développée par la Chambre de Commerce et d’Industrie du Togo, les opérateurs économiques peuvent désormais obtenir ce document crucial en un temps record. Cette innovation a été saluée par les exportateurs, qui y voient un gain de temps et d’efficacité.
À l’importation comme à l’exportation, le nombre de documents exigés a été drastiquement réduit. Par exemple, pour les exportations, seuls la facture commerciale, l’attestation d’exportation et le certificat d’origine sont désormais nécessaires. Cette simplification a permis de fluidifier les échanges et de réduire les coûts pour les opérateurs économiques.
L’interconnexion entre Sydonia World et les systèmes des manutentionnaires, quand a elle, permet un traitement plus rapide des dossiers et un gain de temps considérable pour les transitaires. « Avant, il fallait faire la navette entre les différents services. Maintenant, tout est centralisé et automatisé », souligne M. Koffi Adjo. Cette interconnexion a également permis de réduire les erreurs et d’améliorer la traçabilité des opérations.
La création de l’Unité Spéciale d’Intervention Douanière (USID) fait aussi partie de ces reformes. Cette unité, dédiée à la lutte contre la fraude et les activités illicites, a renforcé la sécurité des opérations et permis de récupérer des millions de francs CFA perdus. « La USID a joué un rôle clé dans la lutte contre la fraude et la corruption », explique Colonel Akaya Moïse, Directeur des Opérations Douanières de Lomé-Port.
VIDO, la Visite à Domicile (VIDO), supervisée par le commandant Massina A. Max, consiste à effectuer des contrôles directement dans les entrepôts des importateurs plutôt qu’au port. Cette mesure, bien que mal accueillie par certains acteurs indélicats, a permis de désengorger le port, d’accélérer la sortie des marchandises et de lutter contre la fraude. « La VIDO a verrouillé le système. Les agents corrompus et les fraudeurs ne peuvent plus agir en toute impunité », explique Colonel Akaya Moïse.
Des défis à surmonter pour une généralisation des réformes
Si les réformes ont porté leurs fruits au PAL, leur déploiement à l’échelle nationale reste un enjeu majeur. Les opérateurs économiques plaident pour une harmonisation des procédures sur l’ensemble du territoire. « Ce qui se fait à Lomé doit être étendu aux autres ports et postes frontaliers. Cela renforcera la compétitivité du Togo », insiste M. Aladji.
Par ailleurs, la résistance au changement de certains acteurs, notamment des transitaires peu scrupuleux, freine encore l’adoption totale des nouvelles mesures. « Il y a encore des gens qui profitent de l’ancien système pour escroquer les importateurs. Il faut intensifier les campagnes de sensibilisation », souligne Mme Akouvi Dossou.
Vers un Togo plus compétitif sur la scène régionale
Le Port Autonome de Lomé, grâce à ces réformes audacieuses, s’affirme comme un hub logistique de premier plan en Afrique de l’Ouest. La dématérialisation des procédures, couplée à des mesures comme la VIDO, a renforcé la transparence, réduit les délais et amélioré le climat des affaires.
Pourtant, le chemin reste long. Pour que ces avancées profitent à l’ensemble du pays, il est crucial de généraliser ces réformes et de continuer à lutter contre les résistances au changement.
Comme le souligne Colonel Akaya Moïse : « Nous devons rester vigilants et innovants. Le Togo a tous les atouts pour devenir un modèle en matière de facilitation des échanges. Mais cela nécessite l’engagement de tous. »
Sous le ciel bleu de Lomé, le port continue de battre au rythme des réformes. Chaque conteneur déchargé, chaque dossier traité en ligne, chaque fraude évitée rapproche un peu plus le Togo de son ambition : devenir un centre d’affaires incontournable en Afrique. Et avec des acteurs comme M. Akaya Moïse et Mme Sandra Johnson à la manœuvre, l’avenir s’annonce prometteur.
Shalom A